La loi 2022-172 du 14 février 2022 signe la fin du régime de l’EIRL par la création d’un statut unique protecteur pour l’entrepreneur individuel, dont le patrimoine sera de plein droit scindé entre biens personnels et biens professionnels.
Autrement dit, à compter de l’entrée en vigueur de cette loi, il ne sera plus nécessaire de faire une option EIRL lors de sa demande d’immatriculation. Les entrepreneurs individuels seront d’office soumis à la protection de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée.
POUR RAPPEL
La protection du patrimoine personnel peut aussi être assurée par la création d’une EURL, le patrimoine de celle-ci ne se confondant pas avec celui de l’entrepreneur.
Le nouveau régime entre en vigueur le 14 mai 2022 ; il sera applicable à tous les entrepreneurs individuels en exercice mais uniquement pour les créances qui seront nées à compter de cette date.
Fin du régime de l’EIRL, quelles conséquences sur le plan pratique ?
Définition du patrimoine professionnel
Actuellement, sauf s’il a opté pour le statut d’EIRL, un entrepreneur individuel ne dispose que d’un seul patrimoine, composé tant de biens personnels que de biens professionnels.
À la différence de l’actuelle option pour le régime de l’EIRL, l’entrepreneur individuel bénéficiera de la séparation des patrimoines sans déclaration d’affectation ni état descriptif. La distinction reposera uniquement sur le critère légal des biens « utiles à l’activité ». Sous réserve des règles relatives aux procédures collectives (redressement judiciaire et liquidation judiciaire notamment), ce patrimoine ne pourra pas être scindé. Les éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constitueront son patrimoine personnel.
Lorsque l’entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables (régime du réel), son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables.
Toutefois, il est certain que la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante reste comprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.
Dénomination
Pour l’exercice de son activité professionnelle, l’entrepreneur individuel doit utiliser une dénomination incorporant son nom précédé ou suivi immédiatement des mots « entrepreneur individuel » ou des initiales « EI ». Cette dénomination doit figurer sur ses documents et correspondances à usage professionnel.
L’entrepreneur individuel commerçant doit indiquer cette dénomination sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires, sous peine d’une amende 750 €.
Relations avec les créanciers
Créanciers professionnels
La Fin du régime de l’EIRL signifie que l’entrepreneur ne sera pas autorisé à se porter caution en garantie d’une dette dont il sera le débiteur principal. Toutefois, le créancier aura toujours la possibilité de lui demander d’autres garanties mais celles-ci ne pourront pas prendre la forme d’un cautionnement.
Bon à savoir : il est toujours recommandé d’ouvrir un compte bancaire séparé pour son activité professionnelle (cela constitue notamment une preuve en cas de contestation sur la composition des patrimoines).
Désormais, l’entrepreneur individuel ne sera tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits seront nés à l’occasion de son exercice professionnel (« créanciers professionnels ») que sur son seul patrimoine professionnel, sauf exceptions (sûretés conventionnelles demandées expressément par le créancier professionnel ou renonciation expresse de l’entrepreneur à la limitation du gage des créanciers professionnels, lesquels dispositifs sont encadrés très strictement).
Les dettes dont l’entrepreneur individuel sera redevable envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales seront des dettes nées à l’occasion de son exercice professionnel
Créanciers personnels
Seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constituera le gage général des créanciers dont les droits ne seront pas nés à l’occasion de son exercice professionnel. Toutefois, quand le patrimoine personnel sera insuffisant, ce droit de gage pourra s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.
Lorsque l’entrepreneur individuel cessera toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel seront réunis. Il en sera de même en cas de décès de l’entrepreneur individuel, sous réserve de l’éventuelle application des dispositions sur le redressement et la liquidation judiciaires.
ATTENTION
la définition de biens utiles à l’activité est susceptible de poser des difficultés, notamment s’agissant des biens mixtes, comme un véhicule utilisé à des fins personnelles et professionnelles.
On peut toutefois penser que ceux-ci feront partie du patrimoine professionnel dès lors qu’ils servent, même occasionnellement, à l’activité de l’entrepreneur individuel.
Par ailleurs, il existe un risque de complexification du sort des créanciers dans la mesure où une concurrence entre eux est susceptible d’apparaître (certains créanciers bénéficieront encore d’un droit de gage général portant sur l’ensemble des biens de l’entrepreneur, comme les créanciers dont la créance sera née avant l’entrée en vigueur de la loi ; d’autres créanciers disposeront d’un droit de gage sur une partie seulement des biens de l’entrepreneur, les créanciers personnels qui pourront exercer leur droit de gage sur des biens professionnels en cas de patrimoine personnel insuffisant, dans la limite d’un certain montant etc.).