Depuis le 1er janvier 2024, un nouveau régime d’imposition des rémunérations des associés en Société d’Exercice Libéral (SEL) s’applique. Une réforme qui bouscule les habitudes… et qui pousse de nombreux pharmaciens à se demander s’il ne serait pas plus simple de revenir à une SARL ou une SAS classique.
Mais attention : la réponse n’est pas si simple ! Katell Hénaff, responsable juridique et fiscale chez Comptagesma, fait le point pour vous aider à y voir plus clair.
Que change la réforme de 2024 ?
Jusqu’ici, les pharmaciens titulaires associés en SEL percevaient une rémunération assimilée à un salaire. Depuis janvier 2024, l’administration fiscale considère que dans beaucoup de cas, cette rémunération relève en réalité des Bénéfices Non Commerciaux (BNC). Autrement dit : elle est désormais imposée comme un revenu d’indépendant.
Cela signifie que ce n’est plus la SEL qui verse les cotisations sociales, mais l’associé lui-même.
Ce nouveau traitement peut modifier votre fiscalité, votre trésorerie et votre protection sociale.
Jusqu’ici, les rémunérations des pharmaciens titulaires associés en SEL étaient imposées à l’impôt sur le revenu, comme un salaire. Depuis janvier 2024, l’administration fiscale distingue désormais entre rémunération technique et rémunération mandataire social. La première est désormais imposée comme un Bénéfice industriel et commercial (BNC).
Concrètement, cela signifie que la rémunération de l’associé de SEL va être traitée, comptabilisée et imposée différemment.
Revenir à une SARL ou une SAS : une bonne idée ?
« Certains pharmaciens pensent qu’en sortant de la SEL, ils échappent à la réforme. Mais ce n’est pas toujours judicieux, prévient Katell Hénaff : « Transformer votre SEL en SARL ou SAS, c’est possible… mais cela vous fait perdre certains leviers très puissants, notamment si vous aviez une holding (SPFPL). »
Sortie de SEL : 3 inconvénients à prendre en compte
Moins de levier financier pour racheter une officine :
En abandonnant le schéma SEL+SPFPL, vous renoncez à un effet de levier précieux. La holding (SPFPL) permettait d’utiliser l’endettement pour augmenter votre capacité d’investissement et financer plus facilement l’acquisition d’une ou plusieurs officines.
Impossibilité d’optimiser la remontée des dividendes :
Le tandem SEL+SPFPL offre des solutions pour faire remonter les profits de l’officine vers votre patrimoine avec un frottement fiscal minimal. Grâce au régime fiscal mère-fille, la holding perçoit les dividendes de la SEL en quasi-franchise d’impôt sur les sociétés (seuls 5 % étaient taxés)
Une transmission du capital plus rigide :
Quitter le duo SEL+SPFPL signifie aussi moins de souplesse pour transmettre votre officine, que ce soit à un proche ou à un tiers repreneur. La holding constitue un véritable outil de transmission aux enfants, une fois la pharmacie vendue : elle facilite la donation progressive de parts à vos enfants en profitant des abattements fiscaux, et permet de planifier la relève sans céder brutalement le contrôle.
4 raisons d’envisager de rester en SEL + SPFPL
Le duo SEL + SPFPL reste aujourd’hui un outil de stratégie patrimoniale pour les pharmaciens titulaires. Bien structuré, il offre des leviers puissants à chaque étape de la vie professionnelle : acquisition, développement, rémunération, transmission.
Effets de levier pour financer un projet d’achat
Grâce à la SPFPL, il est possible de recourir à l’endettement pour financer le rachat d’une officine ou de parts sociales sans alourdir la structure d’exploitation :
La holding emprunte pour acquérir la SEL, puis rembourse ce prêt grâce aux dividendes perçus. C’est un montage fluide et fiscalement efficace : les intérêts d’emprunt sont déductibles, ce qui réduit l’imposition de la SPFPL. Cela permet souvent de concrétiser un rachat avec peu de fonds propres, tout en maîtrisant la fiscalité globale du montage.
Une fiscalité avantageuse sur la remontée de dividendes
Avec le régime fiscal dit « mère-fille », les dividendes versés par la SEL à la SPFPL sont quasiment exonérés d’impôt sur les sociétés (seuls 5 % restent imposables).
Résultat : au lieu d’être imposés à 30 % (flat tax) s’ils étaient versés directement à l’associé, les bénéfices restent dans le circuit professionnel et peuvent être réinvestis intelligemment dans d’autres projets. C’est un véritable coussin financier qui alimente la stratégie du pharmacien et soutient la croissance externe.
Capacité d’investir ou de racheter d’autres officines via une holding
Une fois en place, votre SPFPL devient une plateforme d’investissement : elle peut racheter une seconde officine, entrer au capital d’une pharmacie voisine, ou participer à un groupement.
Ce schéma permet de centraliser la gestion de votre patrimoine professionnel, d’en faciliter la lecture, et de sécuriser les projets futurs. Il offre aussi une visibilité claire en cas d’association ou de partenariat avec d’autres titulaires.
De la souplesse dans la transmission du capital
La structure SEL + SPFPL est aussi un allié précieux pour préparer votre transmission :
- Elle permet des donations progressives de parts à vos enfants ou à un repreneur,
- Elle facilite le recours à des outils fiscaux comme le Pacte Dutreil, qui réduit très fortement les droits de mutation.
En d’autres termes, ce montage donne au pharmacien la possibilité d’organiser sa sortie en douceur, sans précipitation, tout en optimisant la fiscalité pour lui et ses héritiers.
Quelles sont les bonnes questions se poser pour prendre une décision ?
La vraie question, ce n’est pas : « Dois-je sortir de ma SEL ? » mais plutôt « Est-ce que ma SEL est bien pensée, bien structurée ? Est-ce que j’en exploite tous les leviers ? »
Dans beaucoup de cas, il ne s’agit pas de remettre en cause l’existence même de votre SEL, mais de vérifier si elle est organisée de manière optimale :
- Avez-vous une SPFPL bien intégrée ?
- Votre montage permet-il de préparer une transmission ou de soutenir un projet d’acquisition ?
- La fiscalité globale est-elle réellement adaptée à votre situation personnelle et professionnelle ?
Une SEL bien conçue permet souvent de neutraliser les effets négatifs de la réforme fiscale. Elle reste un puissant outil de stratégie patrimoniale, à condition d’être pilotée avec finesse. Cela dit, il n’y a pas de réponse unique.
Dans certains cas, le maintien en SEL est évident par exemple si vous détenez déjà l’officine via une SPFPL ou bien si vous avez des objectifs de croissance ou de transmission à moyen terme. Dans d’autres situations, un passage en SARL ou SAS peut être cohérent, notamment si vous n’avez pas de projet de développement ni d’intérêt à conserver une holding.
Mon conseil : adoptez une approche sur mesure. Avant toute décision, posez-vous les bonnes questions :
- Quels sont mes projets à 5 ans ?
- Quelle est la structure actuelle de mon capital ?
- Ai-je déjà une SPFPL ?
- Quelle est ma fiscalité réelle aujourd’hui ?
« Ce n’est pas le montage en soi qui pose problème. C’est le fait qu’il ne soit pas adapté à votre trajectoire. »
En résumé : 3 cas de figures sont possibles
✅ Votre SEL est bien structurée (avec SPFPL, projets de croissance…). Il est souvent plus intéressant de rester et d’optimiser.
✅ Vous êtes en SEL mais sans projet de développement ou de transmission. Un passage en SARL ou SAS peut être envisagé… au cas par cas.
✅ Vous détenez déjà votre officine via une SPFPL. Sortir de la SEL n’a pas de sens, vous perdriez trop d’avantages.
« À ce jour, rien n’oblige les pharmaciens à rester en SEL. Mais attention : d’autres professions libérales (comme les avocats) sont déjà contraintes d’exercer en SEL.
Il n’est pas exclu qu’un jour, le législateur impose aussi ce modèle aux pharmaciens. Traduction : sortir aujourd’hui pour mieux revenir demain ? C’est possible, mais à condition d’anticiper et d’être bien accompagné. »
Parlons-en ensemble :
Chez Comptagesma, nous accompagnons chaque jour des pharmaciens dans leurs choix stratégiques et leurs restructurations. Notre force : une vision d’ensemble, combinant fiscalité, juridique et stratégie patrimoniale.
Vous avez un projet de transmission, d’achat, ou vous vous posez des questions sur la meilleure structure à adopter ?
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